Pourquoi LFI doit penser le sport en tant qu’objet politique total
Écrit par Alexandre Jaafari et corrigé par Camille Brossard. Photo d’illustration : “Haltères” de Marcel Gromaire.
Bien que le sport soit amplement étudié par une lignée historique de penseurs universitaires, ce champ intellectuel a du mal à pénétrer la sphère publique. En ce sens, le sport n’est pas un objet politique total. C'est-à-dire qu’il n’est pas un sujet à débats et à mobilisations de manière continue.Par exemple, l’antiracisme, le féminisme ou la lutte contre la lgbtophobie sont des objets politiques total. Des militant·e·s vont penser le monde à partir de ces luttes et investir des thèmes périphériques comme l’occupation de l’espace public, la police ou encore l’égalité dans le monde du travail. Je pense qu’un objet politique total le devient lorsqu’il a des conséquences majeures sur la société.
Actuellement, le sport, malgré son importance incontestable, est plutôt un objet d’opportunités que les partis politiques vont greffer à leur luttes dans des intérêts populistes. En conséquence, les réflexions sur le sport ont du mal à rentrer dans les sphères des partis politiques. LFI, comme toutes les autres formations politiques, n’échappe pas à ce constat.
Dans cet article, je vais exposer pourquoi le sport doit être utilisé comme un objet politique total et non comme un greffon rattachable à tout modèle théorique de lutte.
Pour cela, j’examinerai d’abord la relation actuelle de LFI au sport. Ensuite je plongerai dans l’articulation historique du PCF vis-à-vis du sport afin d’en tirer des enseignements. Enfin, je finirai par une série de propositions à l’égard de LFI afin qu’il devienne un mouvement politique capable d’accueillir le militantisme sportif.
Le rapport de LFI au sport
Quand on examine à la loupe les liens de LFI au sport, on s’aperçoit que ces derniers sont ténus.
Aucun député·e n’est dédié·e au sport. Certains député·e·s de la France Insoumise ont travaillé brièvement sur cette thématique mais iels n’en ont jamais fait leur spécialisation. Par exemple, Aurélie Trouvé a rédigé un rapport sur l’impact des Jeux Olympiques qui a rencontré peu d’écho médiatique. François Piquemal a été vice-président de la commission parlementaire sur le dysfonctionnement des fédérations sportives mais n’a jamais été au centre des travaux.
Des députés comme Carlos Bilongo, Idir Boumertit, Manon Aubry et Aurélie Trouvé ont déjà évoqué leur statut d’ancien éducateur ou sportive de haut niveau. Pourtant, cette sensibilité sportive ne s’est que trop rarement retrouvée dans leurs actions politiques.
Aurélie Trouvé à la conférence de presse sur la commission d’enquête populaire sur les Jeux Olympiques. 2025
François Piquemal interrogeant Amélie Oudéa-Castéra à la commission parlementaire sur les fédérations sportives. 2023
Pour les membres de LFI, le sport n’apparaît dans le débat que sous formes d’opportunités rattachées à l’actualité qu’ils rattacheront ensuite à leurs causes et leurs luttes. Thomas Portes va parler du rugby pour demander l’exclusion de Bastien Chalureau de l'Équipe de France à cause de ses agissements racistes. Louis Boyard va parler du match de foot France-Israël pour demander l’annulation de ce dernier afin de refuser toute compromission avec l'État génocidaire. Arnaud Saint-Martin va critiquer le chauvinisme français à l’occasion des JO.
Soyons clairs, je suis d’accord avec les prises de parole de ces trois députés. Mais je pense que celles-ci sont inefficaces car elles sont discontinues. En refusant de s’emparer du sport comme objet politique, les membres de LFI sonnent toujours creux lorsqu’ils finissent par parler de sport. Vu que leur pensée à ce sujet n’est pas suivie, ils paraissent toujours opportunistes alors que je sais que leurs intentions sont bonnes.
Malheureusement, je pense que ce défaut a pour origine le fondateur du mouvement de La France Insoumise : Jean-Luc Mélenchon.
2. Le rapport de Jean-Luc Mélenchon au sport
Je ne vous cache pas que rédiger cette partie a été ardu. Les interventions de Jean-Luc Mélenchon à ce sujet sont rares. Les entretiens les plus fournis que j’ai trouvés concernant le sport datent respectivement de 2014 à SoFoot et de 2017 à France Bleu. Il a également écrit quelques billets à ce sujet sur son blog.
Jean-Luc Mélenchon lors de son entretien à France Bleu sur le sport. 2017
Mais le vieux briscard ne me trompe pas. Son discours est celui d’un homme brillant qui sait relier des idées qui l’arrangent dans un domaine qui l’intéresse peu. Ainsi, je le suis complètement quand il parle de sport de masse cher à Léo Lagrange, des diffuseurs carnassiers ou encore du corps avec des mots qui me touchent beaucoup. Par contre, je trouve vite des désaccords avec lui dès qu’il parle de bénévolat ou de sexisme dans le sport.
Le sport est le grand absent de la pensée de Mélenchon. En procédant ainsi, lui et les membres de son parti sont en train de répéter l’erreur que le PCF a commise vis-à-vis du sport entre 1920 et 1980.
3. Un peu d’histoire résumée
Tout ce que je vais vous exposer sur l’histoire du PCF vis à vis du sport provient d’un superbe article d’Igor Martinache. Je vais vous résumer les points dignes d’intérêt pour ma démonstration, mais si vous ressentez un intérêt pour l’histoire et le sport, je vous enjoins à aller cet article passionnant de ce brillant chercheur que j’ai découvert récemment.
Fin du 19ème siècle : le sport moderne débarque en France après avoir été testé dans les structures éducatives anglaises pour dresser les jeunes hommes. Coubertin est convaincu qu’il faut “rebronzer la race” d’une génération “veule et pâle”.
En 1887, le patronat crée l’Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA). Cette fédération sera dirigée successivement par un vicomte, un avocat, un médecin ou un commandant de l’armée. En parallèle, l’Eglise créée sa propre union en 1898 avec la Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France (FGSPF).
Le sport est alors un outil de flicage pour les dominants. Les patrons organisent des activités sportives dans leurs usines. Ils en profitent pour pointer les présences des employés en notant leur assiduité dans des livrets.
La riposte ouvrière ne se fait pas attendre car des unions prolétaires voient le jour. Néanmoins, le détail de cette histoire ne nous intéresse pas ici. Faisons plutôt un bond dans le temps : 1920, le congrès de Tours de la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) connaît une scission qui va nous intéresser : les communistes se détachent des socialistes. Ils vont alors s’opposer pendant près de 15 ans dans le champ sportif.
Chacun aura sa fédération sportive qui aura le même nom : la Fédération Sportive du Travail (FST)
Au niveau international, les communistes seront rattachés à l’International Rouge Sportive (IRS) tandis que les socialistes seront rattachés à l’Internationale Sportive de Lucerne (ISL).
En janvier 1924, au 3ème congrès de la Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC), un responsable de la FST fracasse ses camarades et leur dédain vis à vis du sport avec la citation suivante :
“Le congrès de Lyon a voté à l’unanimité le rapport de notre camarade René Reynaud sur la question sportive. Ce rapport impose des devoirs à tous les militants du Parti communiste, à chaque section, à chaque fédération. Est-ce que tous ont bien compris ? Est-ce que chacun est bien persuadé, bien convaincu de l’importance et du rôle social que peut et doit jouer le sport dans la société d’aujourd’hui d’abord et dans celle de demain ensuite ? Au risque de vertes répliques, je réponds nettement : "Non !". Je dirai même que rares sont les camarades qui jugent à sa valeur réelle le mouvement sportif dans ce pays. Et ce n’est pas l’unanimité du vote sur cette question au congrès de Lyon qui m’incitera à penser autrement. J’aurai préféré voir un débat s’engager sur le rapport ; ça aurait été l’indice que l’on s’y intéressait. L’expérience de près d’un quart de siècle de militantisme dans diverses organisations permet de dire que l'unanimité de vote sur une question sans discussion est bien souvent synonyme d’indifférence.”
En février 1934, les manifestations fascistes en plein Paris font paniquer les deux FST qui décident de fusionner pour créer la FSGT que nous connaissons aujourd’hui.
Des années plus tard, un militant communiste, Jean Guimier (1913-1975), va bouleverser la stratégie politique du PCF vis-à-vis du sport. Membre de la première promotion d’école normale en EPS, ancien inspecteur d’EPS, professeur d’EPS, membre de la FSGT, Jean Guimier est un militant sportif. Il se démène pour que le PCF se penche sérieusement sur le sport. En 1958, il obtient gain de cause et la commission sportive communiste voit le jour ! Elle est rattachée au comité central. Le sport est enfin un enjeu digne d’intérêt.
Camarade Jean Guimier du PCF.
De ce que j’en ai compris, cette commission connaîtra un âge d’or. Par la suite, Georges Marchais sera alors le bourreau d’une pensée intellectuelle du sport au PCF. De manière très simpliste, il se contentera de militer pour les Jeux Olympique. Il sera alors le symbole de la dépolitisation du sport
4. Que retirer de cette histoire?
Il faut une personne forte pour pousser le thème du sport dans un parti politique
Le sport est un domaine culturel très particulier. Les réflexions médiatisées sont surtout le domaine réservé d’anciens champions et d’éditorialistes qui dépolitisent très souvent le sport. La pensée intellectuelle globale du sport est donc très pauvre.
A l’opposé, la France bénéficie d’un vivier de penseurs universitaires assez incroyable. Malheureusement, ces penseurs et penseuses universitaires sont fortement invisibilisé·e·s sauf de rares exceptions comme Guillaume Dietsch, Seghir Lazri ou Béatrice Barbusse qui bénéficient d’une notoriété qui reste confidentielle. De plus, ces penseurs et penseuses, de par leur caractère universitaire et de leur position dominante au sein de cette institution, sont souvent dépolitisé·e·s.
C’est à dire qu’iels vont exprimer des idées qui s’inscriraient à merveille dans le cadre d’un parti de gauche radicale mais leurs affiliations politiques vont plutôt tendre vers des partis sociaux-démocrates. Ainsi, iels peuvent conserver cette “neutralité” qui leur est chère tout en ne tombant pas dans une dissonance cognitive.
Enfin, alors que la culture est constituée d’acteurs et de chanteurs qui n’hésitent pas à exprimer traditionnellement leurs opinions politiques, les sportifs de haut niveau ne sont pas friands de l’exercice.
Tout ceci conduit au point suivant : le sport a besoin d’une personne exceptionnelle pour pousser sa prise en considération dans un parti politique. Jean Guimier a été un exemple pour le PCF
2. Le sport est un parfait domaine pour le noyautage
Les termes noyautage et entrisme viennent de la pensée trotskiste. Cette stratégie consiste à faire rentrer des membres d’une organisation militante dans des appareils organisationnels afin de les influencer en y participant.
Comme je le disais, le sport est un domaine fortement dépolitisé. La droite l’occupe historiquement de manière passive. La stratégie principale de la droite jusqu’à présent consistait à utiliser l’image des champion·ne·s. Jacques Chirac scandait maladroitement les noms de l’Equipe de France de Football masculine en 1998 tandis que Macron s’invitait sur les photos des athlètes médaillés des Jeux Olympiques de Paris en 2024 en les tripotant de toutes ses forces.
La tactique favorite de la droite dans sa stratégie d’influence dans le sport : tripoter les athlètes.
Néanmoins, ce constat est de moins en moins vrai étant donné que le camp réactionnaire a instrumentalisé le sport ces dernières années pour pousser son agenda. On a vu l’extrême-droite gouvernementale française pousser l’interdiction du voile dans les compétitions afin de priver les femmes musulmanes de pratique sportive. Dans le même temps, en Angleterre, les femmes transgenres ont été exclues du championnat féminin de football.
Malgré ces horreurs, on constate que la droite reste encore très opportuniste et peu méthodique dans son instrumentalisation du sport.
C’est pourquoi la gauche doit avoir une politique d’entrisme dans le sport. Le PCF s’est diffusé dans le sport pendant les années 50-60 car :
la FSGT était noyauté par des membres du PCF.
L’école normale supérieure d’EPS comportait une cellule du PCF.
Le Syndicat National de l’Education Physique (SNEP) était noyauté par le courant “Unité et Action” qui était proche du PCF.
Les journaux étaient noyautés par des journalistes sportifs présents à la commission sportive du PCF.
En bref, le PCF avait donc une stratégie assez claire d’entrisme. Ses militants non gradés occupaient le terrain dans différentes instances sportives. Ceci permettait de construire une réflexion pertinente sur le sport en tant qu’objet politique. De plus, cela permettait de garder un lien avec le sport et donc avec les gens pour qui le sport était un intérêt.
3. Des idées radicales
La lecture de l’article d’Igor Martinache m’a permis de me rendre compte que le PCF poussait à l’époque des idées radicales sur le sport: critique des dérives du dopage ou danger des paris sportifs par exemple. Ces thématiques, sont encore présentes dans le débat aujourd’hui quand d’autres questions fortes, autrefois dénoncées par le PCF, ont disparu de la pensée de la gauche actuelle :
Le vedettariat: à ma connaissance, ce terme n’est plus utilisé aujourd’hui. La starification des sportifs de haut niveau n’est jamais remise en cause. Pourtant, le haut niveau crée des traîtres de manière systémique. Alors que le sport de haut niveau est sexiste, homophoboe, raciste, transphobe et validiste, les champions et les championnes ne se positionnent que très rarement en faveur du camp progressiste. La gauche devrait se munir en conséquence d’une pensée radicale et critique du vedettariat.
L’esprit cocardier : le nationalisme poussé par les équipes nationales n’est quasiment plus critiqué par la gauche française. Cette dernière ne se prête que trop rarement à une critique du patriotisme sportif aveugle.
La dépolitisation du sport : c’est la raison principale de l’absence de critique sérieuse et médiatisée du sport de haut niveau. Le paysage politique actuel part de tellement loin dans le sport qu’il est dur de ramener les sympathisants de gauche vers une critique honnête et rationnelle du sport. En effet, les intellectuels ont tellement miné le chemin qu’il est dur aujourd’hui de critiquer le sport sans avoir peur de tomber dans un antisportisme primaire.
S’ajoute à ces points une idée forte du PCF de l’époque : le sport de masse comme objectif premier.
Ainsi, en 1959, la commission sport du PCF publie une brochure dans laquelle on peut lire le paragraphe suivant :
“ Nous apprécions certes la valeur du spectacle sportif qui a de nombreux aspects éducatifs et de propagande pour le recrutement des sociétés. MAIS AVANT TOUT LES PRATIQUANTS DOIVENT ÊTRE NOMBREUX À FOULER LES PELOUSES, LES PISTES, À PLONGER, À RAMER, À PÉDALER.”
Le texte est net et me plaît car il se positionne sur le rapport entre le monde amateur et le monde professionnel. Je pense sincèrement que le monde professionnel sportif vampirise le monde amateur. Tous les moyens sont fléchés vers le haut niveau. Le monde amateur accepte beaucoup d’être la 5ème roue du carrosse.
C’est pourquoi un parti de gauche conséquent doit être capable d’être radical sur ce sujet. Enfin, elle doit débattre sur les différentes thématiques du sport. Elle doit créer de l’intelligence en confrontant ses idées à celles des camarades. Seulement ainsi, LFI pourra montrer qu’elle tient vraiment le sport en estime et qu’elle souhaite considérer cet objet politique de manière totale.
4. Occuper un terrain vierge tout en se distinguant de la gauche d’accompagnement
Soyons honnête, l’intégration du sport dans la pensée centrale de LFI donnerait immédiatement un avantage certain aux insoumis. Actuellement, la pensée des partis politiques autour du sport est très faible. Comme je l’ai dit plus tôt, la droite commence à montrer les crocs. Mais la gauche social-démocrate reste fidèle à sa tradition molle ou inexistante dans le domaine du sport :
En 2024, Thierry Sother, membre du PS, a proposé une loi pour taxer davantage les boissons sucrées. Cette taxe servirait derrière à subventionner les licences sportives.
En mars 2025, alors que le gouvernement attaquait la pratique sportive des femmes voilées en voulant interdire le voile dans les compétitions sportives, Fabien Roussel n’avait rien de mieux à dire que la citation suivante : “je suis pour qu’on inscrive, dans un texte de loi, les principes de la charte olympique. C’est-à-dire pas de manifestations, pas de démonstrations religieuses ou politiques dans le sport “.
Enfin, Marine Tondelier a donné une interview intéressante à l’Équipe. Au mois d’avril dernier, elle se livre de manière touchante en expliquant comment elle est harcelée sur son physique, comment elle regrette d’avoir dû abandonner la danse en devenant Secrétaire Général des Ecolos. Parallèlement, elle explique aussi qu’elle adore le “dépassement de soi” dans le sport. Elle dit dormir peu. Au final, dans cette interview, elle livre une vision du sport très axée autour de la performance et du haut niveau. D’ailleurs, elle y confie être suivie par une coach de préparation mentale qui suit des sportifs de haut niveau.
Bref, mon point s’apparente beaucoup trop à du picorage pour être sérieux mais j’espère que vous en avez l’idée globale : le camp de la gauche politique n’a que faire du sport. Si LFI est le premier à s’emparer du sport en proposant une pensée du sport radicale, il sera le grand gagnant.
5. Le sport doit être un objet politique total dans un programme politique de gauche
Comme Igor Martinache nous l’a montré, le PCF, malgré un instant de grâce d’une vingtaine d’années axé autour de Jean Guimier, a trop souvent considéré le sport comme un objet politique périphérique à leurs luttes. Les communistes du comité central considéraient que le sport était un objet à plugger aux luttes, au gré des opportunités, et non pas un objet politique total.
Igor Martinache, le scientifique qui m’a inspiré cet article
Actuellement, LFI répète la même erreur que le PCF a commise en son temps. De la même manière que le PCF avait délégué la réflexion du sport à la Fédération Sportive du Travail (FST), LFI délègue la réflexion du sport aux membres du Livret Sport.
En procédant ainsi, les personnalités politiques de LFI s’interdisent d’utiliser le sport dans leur rhétorique politique. En effet, vu qu’ils n’évoluent pas dans le milieu et que leur pensée ne suit pas un fil continu, les membres de LFI agissent par opportunisme quand ils invoquent le sport dans leurs discours. En conséquence, les membres de la communauté sportive vont traiter ces discours avec suspicion.
Pour éviter cela, le sport doit passer d’un objet périphérique à un objet central dans la pensée politique insoumise. LFI doit partir du sport pour penser cet objet et la société. A l’inverse, LFI doit arrêter de partir d’objets extérieurs au sport pour penser ce dernier.
Ceci permettra de rallier un électorat encore non convaincu en plus de compléter leur pensée politique.
V. Ce que devrait faire LFI
Maintenant que le constat a été posé et que l’histoire a été étudiée, que devrait faire LFI par rapport au sport? Personnellement je vois 5 actions à explorer.
Spécialiser des députés de LFI dans le sport
Tout d’abord, LFI doit spécialiser des députés ou d’autres personnalités médiatiques. De la même manière qu’Eric Coquerel est un référent économie, que Mathilde Hignet est une référente agriculture et que Ugo Bernalicis est un référent police, LFI doit se munir de référents sport.
La personne choisie devra penser, manger et respirer sport. Elle devra représenter la pensée de LFI dans les médias. Je ne pense pas qu’elle devra lire elle-même les ouvrages sportifs. Elle devra s’appuyer sur un think-tank du sport intrinsèque à LFI.
2. Créer un think-tank du sport
De la même manière que Jean Guimier avait réussi à pousser la création d’un comité sport rattaché au comité central du PCF en 1958. LFI doit créer un lieu de création d’intelligence dans le sport. Les membres de ce groupe devront connaître la pensée d’auteurs et d’autrices historiques comme Isabelle Queval, Pierre Parlebas, Catherine Louveau, Georges Vigarello ou Jean-Marie Brohm mais aussi découvrir les pensées de jeunes chercheurs et chercheuses. Ces membres devront écrire régulièrement afin de s’approprier la matière universitaire et la transformer en outils pour les militants.
Pour cela, le livret “Sport” de LFI sera transformé. Il ne sera plus un groupe de réflexion en soi mais une conséquence de la réflexion d’un groupe formé ailleurs. On peut imaginer qu’un département sport soit ouvert à la Boétie ou dans l’organigramme de LFI
Dans tous les cas, il sera l’interface entre les députés spécialisés dans le sport et les universitaires
3. Se rapprocher des chercheuses et chercheurs du sport
J’ai toujours été très surpris que LFI n’ait pas un·e seul·e universitaire du sport en son giron. Ainsi, lorsque l’on parcourt le conseil d’orientation et le conseil scientifique de l’institut La Boétie, on peut noter la présence de nombreux docteure·e·s en sociologie, économie, histoire ou philosophie. Pour autant, le sport est complètement absent.
Ça n'est pas normal. Beaucoup d’universitaires du sport produisent une pensée en parfaite adéquation avec la gauche de rupture qu’est LFI. Je pense qu’il serait très intéressant d’étudier comment LFI a attiré des universitaires des domaines cités plus hauts et de répéter l’opération pour le sport.
Ce partenariat permettrait de nourrir le comité sport de LFI qui nourrirait à son tour les discours des députés spécialisés dans le sport.
4. Une association omnisports LFI
Le PCF est un modèle incroyable quant à sa propagande par le sport. Comme nous l’avons vu, le PCF noyautait la Fédération Sportive du Travail (FST). Cette stratégie leur a certainement permis de gagner beaucoup d’aura dans le sport.
Je pense que LFI pourrait penser à fonder une association omnisports. Cette association bénéficierait à la fois de l’organisation que les insoumis·e·s ont acquis à travers leurs groupes d’actions. Organisation qui manque souvent dans le monde de l’associatif sportif. Mais elle permettrait d’appliquer la philosophie insoumise à d’autres mondes que celui de la politique.
Cette organisation omnisports serait un laboratoire pour LFI où elle pourrait expérimenter ce que l’on attend d’un sport de gauche radicale.
Adopter une stratégie omnisport permettrait d’adopter une politique de gauche radicale. En effet, en étant omnisport, le bureau du club peut se battre pour toutes ses activités en représentant un grand nombre de licencié·e·s et donc un grand nombre de votant·e·s. Ainsi, un bureau avisé peut utiliser la notoriété de certains sports (foot, badminton, rugby…) pour en promouvoir d’autres plus discrets (handball, hockey ou athlétisme…).
En adoptant une diversité de sports, le club omnisports évite de se retrouver piégé dans une idéologie néolibérale voire fasciste, que l’on retrouve souvent dans les sports les plus suivis.
5. Municipales
Les Municipales sont la dernière étape de cette vision stratégique. Les Municipales de 2026 et les années qui suivront seront primordiales dans la stratégie sportive insoumise.
Dans chaque commune arrachée, les insoumis·e·s devront mettre en place une politique dynamique autour des clubs sportifs. Les objectifs pourront être diversifiés, mais ils serviront le comité central en lui donnant des illustrations de ce qu’il est possible de faire en matière sportive lorsque les insoumis sont au pouvoir.
En tant qu’objet politique, le sport a cette qualité qu’il est facile à mettre en place : un gymnase, un bureau de bénévoles, des coachs et une subvention publique. Vous avez alors de quoi faire vivre une zone géographique autour du sport. A partir de là, il peut être très facile et rapide de rayonner autour de ça.
Conclusion
Pour passer une étape dans la construction de son mouvement, La France Insoumise doit éviter les erreurs du PCF au 20ème siècle. Pour cela, elle doit considérer le sport pour ce qu’il est : un objet de politique total qui éclabousse toute la société. En cela, le sport mérite d’être intégré dans la réflexion centrale de LFI et de ne plus être seulement un objet périphérique d'opportunités.
LFI doit surpasser le désintérêt de Mélenchon pour le sport en nommant des têtes dévouées à ce travail. Ces têtes devront dépasser le clivage intellectuel/sportif afin de former une nouvelle caste politique capable d’intégrer l’intellect et le sport dans leurs réflexions politiques.
Le sport est un objet trop transversal pour être aussi peu considéré. En étudiant le sport, on peut parler d’homophobie, de sexisme, de racisme, de transphobie, de validisme, de vedettariat, de dopage, de jeux d’argent, d’espaces et de bien d’autres thèmes encore.
Si La France Insoumise prend enfin le sport au sérieux, elle aura pris un tour d’avance sur les autres partis et prendra une sérieuse option sur la conquête du pouvoir. En effet, pour incarner une gauche de rupture, LFI doit prendre en considération le corps. Le sport n’est évidemment pas le seul point de vue par lequel on peut observer le corps mais il en est un élément majeur.
En donnant enfin au sport la place qu’il mérite dans sa pensée politique, LFI améliorera considérablement l’incarnation de son projet politique. Car il ne faut jamais oublier que ce sont nos idées qui nous donnent l’espoir pour agir mais ce sont nos corps qui nous font bouger pour changer les choses.
Sans les corps, donc sans le sport, la révolution ne se fera pas.
SOURCES :
Illustration de la miniature : “Haltères” de Marcel Gromaire.
Le Parti communiste français et le sport de Igor Martinache : https://shs.cairn.info/revue-la-pensee-2020-1-page-34?lang=fr&tab=resume
Commission d’enquête populaire sur les JOP 2024 de la France Insoumise : https://lafranceinsoumise.fr/2024/09/17/commission-denquete-populaire-sur-les-jop-2024/
Composition de la Commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont délégation de service public : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/autres-commissions/commissions-enquete/ce-federations-sportives/composition
16/11/2023 Audition de Amélie Oudéa-Castéra (7/18) | Commission, Fédérations sportives : https://www.youtube.com/watch?v=yUyV9wcZIS8
XV de France: un député LFI réclame l'exclusion de Chalureau et interpelle la ministre des Sports : https://rmcsport.bfmtv.com/rugby/coupe-du-monde/xv-de-france-un-depute-lfi-reclame-l-exclusion-de-chalureau-et-interpelle-la-ministre-des-sports_AV-202309030089.html?utm_source=chatgpt.com
France - Israël : le député Louis Boyard (LFI) demande l’annulation du match de Ligue des nations : https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-de-france/france-israel-le-depute-louis-boyard-lfi-demande-lannulation-du-match-de-ligue-des-nations-444368c6-9838-11ef-940c-520b50887c11
JO 2024 : pourquoi les commentateurs sportifs sont-ils chauvins ? : https://www.nouvelobs.com/chroniques/20240810.OBS92219/jo-2024-pourquoi-les-commentateurs-sportifs-sont-ils-chauvins.html
Mélenchon: « C’est scandaleux que Ribéry gagne un SMIC toutes les quarante minutes ! » : https://www.sofoot.com/articles/melenchon-cest-scandaleux-que-ribery-gagne-un-smic-toutes-les-quarante-minutes-culture-foot-politique-jean-luc
MÉLENCHON : «LE SPORT EST MALADE DE L'ARGENT» : https://www.youtube.com/watch?v=UH_bcFxI8xk
Loi sur le sport professionnel : défendre l’égalité : https://melenchon.fr/2004/11/25/loi-sur-le-sport-professionnel-defendre-legalite/?utm_source=chatgpt.com
CV d’Igor Martinache : https://isp.cnrs.fr/project/martinache-igor/
Crise du 6 février 1934 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_du_6_f%C3%A9vrier_1934
Jean guimier 1913-1975 “Une vision politique et culturelle pour l'éducation physique et le sport”, parution novembre 2003, édition l’Harmattan
Entrisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Entrisme
Jacques Chirac : quand il faisait semblant de connaître les joueurs français au Mondial 1998 (VIDÉO) : https://www.gentside.com/sports/foot/jacques-chirac-quand-il-faisait-semblant-de-connaitre-les-joueurs-francais-au-mondial-1998-video_art118322.html
JO Paris 2024 : les images d’Emmanuel Macron auprès de Teddy Riner et Romane Dicko après leurs médailles : https://www.leparisien.fr/jo-paris-2024/judo/jo-paris-2024-les-images-demmanuel-macron-aupres-de-teddy-riner-et-romane-dicko-apres-leurs-medailles-02-08-2024-RZBWSJXQ6NHANMCG6UJ2443VVI.php
Interdiction du port du voile dans le sport : le désarroi des athlètes musulmanes : https://www.bondyblog.fr/societe/interdiction-du-port-du-voile-dans-le-sport-le-desarroi-des-athletes-musulmanes/
Les femmes trans interdites de participer aux compétitions féminines de foot en Angleterre : https://www.liberation.fr/societe/sexualite-et-genres/les-femmes-trans-interdites-de-participer-aux-competitions-feminines-de-foot-en-angleterre-20250501_M6VBCNAIEFBQ5HO55J2666CWQU/
Syndicat national de l'éducation physique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndicat_national_de_l%27%C3%A9ducation_physique
Unité et action : https://fr.wikipedia.org/wiki/Unit%C3%A9_et_action
«Plus de sport et moins de sucre» : le PS veut surfer sur l’héritage des Jeux olympiques : https://www.liberation.fr/politique/plus-de-sport-et-moins-de-sucre-le-ps-veut-surfer-sur-lheritage-des-jeux-olympiques-20241104_SBSLF5O7FJHABAP2LKPOKWT6ZY/
« Racisme anti-blanc », interdiction du voile : Roussel continue de courir après l’extrême droite : https://www.revolutionpermanente.fr/Racisme-anti-blanc-interdiction-du-voile-Roussel-continue-de-courir-apres-l-extreme-droite
Marine Tondelier : « Ma journée, c'est un triathlon » : https://www.lequipe.fr/Fenetre-sur-corps/Actualites/Marine-tondelier-ma-journee-c-est-un-triathlon/1551250
Livret sport France Insoumise : https://programme.lafranceinsoumise.fr/livrets/sport/